[EVENT 2] Le Bal de Cérémonie de Bienvenue.

La soirée se déroulait à toute vitesse. Tout d'abord, Enyo et Aiden avaient proposé de se remettre à boire comme des trous, ce qu'ils faisaient allègrement avant la Grande Confrontation, et puis Enyo était partie avec sa cousine, et puis un autre type avait débarqué. En fait, Andy ne l'avait pas remarqué tout de suite, car elle était repartie dans ses rêveries ésotériques, comme souvent. Elle s'était servie un verre et s'était appuyée à la table, pour se perdre dans la contemplation de la Grande Salle. Elle avisa, à l'autre bout, Rashel et le Caligula de la soirée, rejoins par une troisième personne, un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu et dont elle ne put entrevoir que la chevelure roux sombre car il lui tournait le dos. Rashel avait l'air éméchée, et d'ailleurs Andy commençait à l'être aussi sérieusement.

Lorsqu'elle se tourna à nouveau vers le buffet, se regard se posa sur Aiden et l'autre type, qui se servaient un nouveau verre. Elle se détacha de la table et entreprit d'à nouveau se mêler à la plèbe, toujours avec un sourire solaire, rendu encore plus large par l'alcool.

- He, Aiden, vous buvez quoi ? Je peux me joindre à vous ? 

Elle se tourna vers l'autre garçon : un jeune brun à l'allure banale dans son style joli garçon, et se présenta.

- Je m'appelle Andy ; Andy Paganini. Première année. Joie. Mais je suis généralement plus gentille que cette bande de putois.

Elle rit, décomplexée, et fit un geste pour se servir à boire tout en lorgnant dans le verre de Aiden, se demander ce que Diable il pouvait siroter.

J'ai du mal à mesurer ma chance lorsque cette jeune fleur délicate tourne son visage vers moi, ce satané fils Bogle. Depuis le temps que je l'observe, je connais le moindre détail de son visage, et la moindre de ses inflexions de voix, tout le tralala habituel des amoureux. Mais ce qui me fout le plus par terre, ce sont ses cheveux. Presque la même couleur que les miens, mais en plus soignés. Les miens ont pas mal vécu, il faut dire. Enfin, tout mon être a pris dans la gueule, mais ce genre d'épreuves pourrait vieillir un homme (et je parle d'apparence) alors que moi, je suis resté frais comme une orchidée. Ah, les fabuleux avantages de ma chance à double tranchant...

Rashel me parle. M'invite-t-elle à boire un verre, avec Nathaniel ? C'est inespéré. Tellement inespéré que j'en laisse presque échapper une remarque déplacée. Non, je ne suis pas comme ça, non Monsieur. Je suis droit dans mes bottes, rusé comme un renard, et hautement conscient du regard aiguisé et dangereusement intelligent de Nathaniel. Ce type en a dans la cervelle, je suis le premier à le reconnaître. Entre jeunes génies, on s'apprécie bien. Mais là ? J'ai remarqué tout ce temps qu'ils passaient ensemble, et je me suis demandé à plusieurs reprises s'il n'avait pas mis la main sur ma précieuse Rashel. Parce qu'il faut mettre les choses au clair cinq minutes. Rashel domine son monde, c'est elle qui choisit qui l'approche, ç'en est certain. Mais ce gars ? C'est d'un autre calibre. Il a de mauvaises pensées et tout le pouvoir en main pour mettre ses sales plans à exécution. Il est dangereux. Je reste poli avec lui, parce que c'est mon genre, je suis un gentleman, mais je sais reconnaître un chien méchant quand j'en vois un. Dois-je vous rappeler où j'ai grandi ? Belfast est une ville infestée de vipères. Mais aucune n'est aussi intelligente que lui.

Oh, vous me direz, tu cherches vraiment la merde, Bogle, il va te tomber dessus si tu tournes autour de sa promise, et je vous répondrez : allez donc bouffer votre merde avec un peu de sirop d'érable. Je sais parfaitement à quoi je me frotte et je ne suis a) pas inquiet et b) rempli d'une passion brûlante. Que peut donc me faire ce bon vieux Nath' si je propose un cinéma, un café, un sortie au musée à la demoiselle Angelov ? Ruiner ma réputation ? Je n'en ai pas, et quand bien même j'en aurais une, il n'y aurait rien de bien glorieux à sauver. Me rosser sans état d'âme ? Mes péripéties de gosse et d'adolescent ont prouvé que j'ai le crâne dur. Il me fait bien moins peur que la progéniture psychopathe de mon ancienne propriétaire, qui ont été terriblement inventifs avec moi quand leur maman chérie m'a jeté dehors. Je l'avais sûrement mérité, après tout.

Ainsi donc, on m'adresse la parole. Mon sourire s'élargit. Je reste droit, poli, je ressemble à un parfait jeune homme de la haute. Et, Ô cadeau des Dieux, la jeune Angelov se souvient de moi ! Qui donc ne se souviendrait pas d'un pareil personnage ? J'ai déjà un verre à la main, ils m'en donnent un deuxième. Non, ce n'est pas le moment de céder à la tentation. Concentre-toi plutôt sur la conversation, oublie l'alcool - divin breuvage - entre tes doigts.

- Ripley Bogle, c'est moi, en effet. (Je garde mon calme, et pourtant à l'intérieur je frétille tel une joyeuse carpe hors de l'eau.) Des événements intéressants que j'ai pu rater ? 

Je ne pris pas la peine de répondre à l'invitation de la danse sur les tables. J'ai toujours été terriblement rebuté par ce genre de pratiques. En fait, je dois te faire une confession : je déteste les étudiants. Tout en hormones tapageurs, en coupes de cheveux à la mode, en robes cintrées, en soirées dévergondées et en discutions stériles.

Les souvenirs que Nath venait d'évoquer arracha à la jolie brune un nouvel éclat de rire, qu'elle étouffa derrière sa main baguée. Oh que oui, elle s'en souvenait très bien. Les black-out de Rashel n'étaient pas nombreux et, lorsque cette fameuse soirée avait eu lieu, elle avait certes trop bu, mais elle n'avait rien oublié depuis. Il faut dire que la jeune fille ne mettait jamais bien longtemps à repérer les personnes qui se montreraient dignes de son intérêt, et elle avait visé juste concernant Nathaniel. Ils avaient sympathisé, ils avaient échangé de nombreuses heures sur tout un tas de sujets. Il était passionnant et il avait toujours suffisamment de connaissances dans presque tous les domaines pour être apte à en débattre avec elle. Il travaillait dur, il était aussi ambitieux que perfectionniste, et par-dessus tout, il parvenait à comprendre un peu mieux que les autres la façon dont elle-même raisonnait et fonctionnait. Être avec Nathaniel, s'était toujours plus simple, elle ne réfléchissait pas autant qu'avec la plupart des personnes la côtoyant. Elle était plus apaisée, plus spontanée. La soirée qu'il avait évoqué remontait au tout début de leur relation. Rashel se demandait même si ça n'avait pas été à ce moment-là qu'elle avait réellement débuté. Lorsqu'elle y repensait, la bulgare ne ressentait pas grand chose, aucun manque comme d'autres pourraient ressentir, pas de remords ou de regrets de ne pas avoir insisté pour que ça fonctionne. Rashel n'avait jamais été un modèle de sérieux et de bonne conduite dans ses relations, aussi bien qu'amicales que plus sérieuses. Elle se montrait gentille et loyale tant que cette personne pouvait lui servir, mais si elle se rendait compte qu'elle ne lui serait d'aucune utilité, elle ne la gardait pas sous le coude. Elle l'éjectait de sa vie. C'est ce qu'elle faisait avec la majorité. Mais même si Nathaniel et elle, ça ne semblait rimer à rien à cette époque, elle ne l'avait pas expulsé de sa vie. Lui, c'était différent malgré tout. 

Toutefois, la présence de Ripley, qui venait d'arriver alors que Nathaniel se faisait un malin plaisir de lui rappeler son comportement parfois borderline en soirée, la dissuada de répondre au blond. La bulgare posa alors ses yeux glacials sur le Colère, remarquant son large sourire, visiblement satisfait qu'elle se souvienne de lui. A vrai dire, Rashel se souvenait de presque tout concernant presque tout le monde. Elle aurait probablement pu tenir la gazette potins d'un journal si elle avait suivi les traces de sa mère journaliste. Elle avait beau ne pas franchement connaître personnellement le jeune homme, elle en savait suffisamment pour l'estimer digne de passer la soirée à ses côtés. Et à en croire le bref échange de regard qui avait eu lieu entre Nathaniel et Ripley, comme s'ils se jaugeaient l'un l'autre, une petite voix taquine lui chuchotait dans sa tête qu'elle pouvait probablement passer une très bonne soirée malgré l'altercation survenue un peu plus tôt. A vrai dire, elle l'avait presque déjà oublié. Elle ignorait où Enyo était partie canaliser son rottweiler Myers, où Elyon était parti se frotter, où Andy était partie s'incruster en parlant de son saxophone ou de son violon, elle ne savait même plus, et où Eden était parti fulminer dans son coin. Tout ça n'avait pas grande importance. Demain, tout serait oublié. Et c'est avec un ravissant sourire qu'elle répondit à celui de Ripley Bogle. Elle nota qu'il n'avait pas touché au verre qu'elle lui avait tendu, mais elle ne s'en offusqua pas le moins du monde. Au pire des cas, s'il n'en voulait pas, ça en fera davantage pour elle. 

-Oh, rien d'exceptionnel tu sais. Un accrochage de passage si je puis dire, rien de bien important et avec des personnes loin de mériter cette attention ! rétorqua-t-elle en levant un peu les yeux au ciel, soulignant l'absurdité dudit "accrochage". De toutes façons, les soirées où personne ne se hurle dessus doivent se compter sur les doigts d'une main malheureusement, ajouta-t-elle avec un léger rire amusé.

La pièce s'était progressivement remplie, et la chaleur ambiante commençait à se faire ressentir. Elle glissa allègrement sa main le long de sa nuque pour agiter un peu ses cheveux afin qu'ils ne restent pas plaqués, ces derniers balayant la peau nue de son dos à découvert par la somptueuse robe qu'elle portait. La foule s'était faite plus compacte sur la piste, c'était apparemment déjà l'heure du mythique slow, passage obligatoire et traditionnel de tous les bals. Pas forcément le moment le plus attendu pour Rashel. Pour être tout à fait franche, ce n'était pas dans les soirées qu'elle écumait qu'elle pouvait se laisser aller, fermer les yeux et se laisser porter par la musique et la danse. Elle ne s'accordait ça que dans l'intimité et dans la solitude du studio de danse de l'université, lorsqu'elle s'y rendit quasi quotidiennement aux horaires de creux, où personne n'avait idée de s'y rendre. Là, au moins, elle pouvait se sentir vivante. Elle se voyait mal entamer ses chorégraphies complexes au milieu d'une salle où la majorité des personnes lançaient leurs pieds n'importe comment sur la piste et en gesticulant en se prenant pour le dieu de la danse. Mais au moins, noyée dans la foule et avec les bonnes personnes pour ça, elle pouvait s'amuser à souhait. La question de Nathaniel lui tira alors une petite moue amusée et elle secoua la tête à la négative. 

-Tu m'excuseras, mais j'ai pas encore assez picoler pour grimper sur les tables, lui lança-t-elle avec un sourire en coin amusé.

Elle s'écarta alors des deux jeunes hommes, frôlant le bras de Nathaniel en passant près de lui pour aller récupérer une nouvelle coupe de champagne, un peu plus loin. Son pas était un peu plus contrôlé pour éviter qu'elle ne perde l'équilibre. Un peu traînant et nonchalant, mais non moins félin. Peut-être même davantage encore, une démarche semblable à celle d'un prédateur réfléchissant s'il passera à droite ou à gauche pour saisir le plus efficacement possible sa proie avant de l'achever. Ses doigts fins se refermèrent autour de la coupe qu'elle souleva avec douceur, sans porter la porter à ses lèvres, tandis qu'elle revenait vers les deux étudiants de ce même pas, presque magnétique. Elle s'était placée entre eux, un peu en avant pour éviter de les séparer et pouvoir garder un visuel sur les deux. Elle trempa ses lèvres dans le champagne, en prenant à peine une gorgée, avant de baisser la coupe, les sourcils légèrement froncés, comme si elle réfléchissait. Finalement, ne semblant pas trouver réponse à son questionnement imaginaire, elle haussa les épaules. 

-Cela dit, maintenant que tu en parles, j'avoue que je ne suis pas contre un petit échauffement sur la piste avant de m'exhiber sur les tables, dit-elle en tournant la tête vers la piste, sans un regard aux deux jeunes hommes. Mais y aller seule, c'est moins drôle. Alors j'attends sagement que quelqu'un se dévoue pour venir danser avec moi.

Elle avait dit cela en se tournant à nouveau vers elle, un petit sourire qui paraissait aussi bien rusé et sournois qu'innocent et angélique. Le genre de sourire magnétique dont Rashel seule avait le secret. Être un Diable sous la couverture d'un Ange relevait de bien des efforts et de bien du talent, certains devaient le savoir. Elle posa les yeux sur Nathaniel, conservant son léger sourire, avant de dévier vers Ripley, sur lequel elle s'attarda quelques secondes de plus.

La supporter jusqu’à sa mort ? Quel doux supplice, pensa t-il, un léger sourire étirant ses lèvres. Etait-ce vraiment une punition ? Il ne le croyait pas. Mais ce qu’il ignorait, c’est qu’Enyo cachait bien plus de secret que ce qu’il n’osait imaginer. Oh, il se doutait bien que certains mystères tournaient autour d’elle, c’était évident, toutes les jolies filles en ont, encore plus lorsqu’elles ont un caractère semblable à celui de la miss Merill, cependant on ne pense pas à ses secrets là, ceux qui façonnent une personne tout entière, qui construisent toute une vie, et pourtant, c’est si fréquent.

Il la laissa reposer la tête contre son torse afin qu’ils puissent tous les deux profiter de la fin de ce slow, sans aucun autre bruit que le son de la musique qui résonnait dans la grande salle. Mais ce n’était pas pour autant qu’Elyon ne réfléchissait pas, qu’il ne songeait pas à son plan de base et aux changements qui étaient survenus entre temps, bouleversant son programme. Peut – être qu’elle ne serait pas qu’un trophée finalement, peut être serait elle une amie ? Mot sacré chez notre Colère. Des amis, il n’en avait que très peu, Eden et Yaël enfaite, et jamais il ne les appelait comme tel, parce que c’était comme si ce mot était tabou, comme s’il allait lui faire craché ses intestins s’il le disait, pourtant ce n’était un secret pour personne que son coloc et le membre du secteur Peur étaient ses deux grands potes, et qu’il leur était loyal envers et contre tout ; mais c’était comme ça, un terme qu’il n’utilisait pas. Peut-être serait – elle même plus, à l’heure actuelle personne ne serait dans la capacité de se prononcer. Et pour être honnête, le brun n’était pas du genre à vouloir se spoiler sur les évènements, son truc c’était d’avisé et de prendre les bonnes décisions au bon moment.

- Ainsi soit-il, je te supporterais jusqu’à ma mort alors, mais je te préviens, il y a grandes chances pour que tu craques avant moi, parce que j’ai un scoop pour toi, commença t – il avant de se pencher pour parler aux creux de son oreille, je suis insupportable. Et je pari ce que tu veux que tu vas vouloir te débarrasser de moi bien avant que je ne me sois lassé de toi.

Le slow toucha à sa fin, enchaînant avec une musique au rythme bien plus rapide, comme celles qui passaient un peu plus tôt dans la soirée. Se détachant doucement de la brunette, Elyon l’invita d’un petit regard entendu à continuer de danser un peu histoire de bien profiter, puis il l’attira en dehors de la piste de danse virtuelle qu’avaient formé les étudiants pour s’approcher d’un coin « bar », attraper deux verres et quelques bouteilles, une idée derrière la tête. 

- Je te propose un truc : je te fais un verre, un petit cocktail dont j’ai le secret, tu m’en fait un, et celui qui devine le mélange que l’autre lui a concocté, à le droit à une demande, quelle quelle soit. Partante ?

Le jeu se présentait comme un piège mal caché, en effet, on pouvait bien imaginé Elyon préparé un « cocktail » dégouttant, en rajoutant une merde du style drogue, mais ce serait mal connaître le cadet des Jenkins. En faite, il savait faire quelques cocktails, il ne les avait pas appris dans l’optique d’être barman, simplement que ça faisait bien de faire des super cocktails aux meufs qu’il ramenait chez lui – ouais, il se donnait tant de mal pour les jeter par la suite, mais que voulez-vous, ce n’est pas toujours utile de chercher la logique chez quelqu’un.