[EVENT 2] Le Bal de Cérémonie de Bienvenue.

Aiden râla, encore, comme bien trop souvent ces derniers jours. Il se sentait tout simplement stupide de ne pas trouver sa deuxième chaussure à travers sa chambre ; qui pourtant n’était pas si en bordel que ça pour une fois. Le jeune homme regarda sa montre et il soupira. Il n’allait pas être en avance, et même pire : il allait être à l’heure pour cette foutue soirée de bienvenue si il ne finissait pas de se préparer assez rapidement. Aiden détestait être à l’heure, ou tout simplement être en retard ; dans un sens cela signifiait que l’on accordait de l’importance à un événement précis alors qu’être en avance montrait que l’on contrôlait son propre temps et que l’on utilisait ce dernier à sa guise, quoi de mieux pour un Peur que de contrôler ce bien si précieux ? C’était le cas pour Aiden. Malgré lui, une image lui collait à la peau et bien que celle-ci lui plaisait, il se trouvait contraint de l’appuyer au sein de l’université, et encore plus lors événements.

Et puis enfin il trouva sa deuxième chaussure noire, simplement cachée sous le sommier de son lit.

« Mais quel con. »

Il rouspéta après lui même et enfila sa chaussure. Puis le jeune homme ajusta sa tenue face au miroir, qui était sur pied, près de son lit. Il esquissa un faible sourire. Avait-il opté pour un habituel costume trois pièce accompagné d’un nœud papillon ou d’une cravate ? Loin de là, c’était mal le connaître ( et au fond il ne se sentait pas de remettre ce costume trop conventionnel à ses yeux ). Aiden boucla la ceinture autour de son pantalon noir en simili-cuir, il grimaça : il le pensait un peu moins serré. Il leva les bras afin de retirer un minimum les pans de sa large & blanche chemise entrouverte pour être plus à l’aise et il ajusta ses boutons de manchettes. Le jeune homme observa ses cheveux du coin de l’œil tandis qu’il rassemblait ses affaires, pour une fois, il était satisfait : ses cheveux d’un brun foncé était coiffé d’une légère cire et un -presque- timide fard à paupière rouge sang faisait ressortir ses yeux d’un bleu glacé.  

Aiden saisit son manteau ainsi que son téléphone et le double de ses clefs d’appartement. Il sortit de sa chambre avant de faire demi-tour pour attraper son paquet de cigarettes et son briquet qu’il avait failli oublier ! Il ne prit pas le temps de toucher un mot à ses deux colocataires et il claqua la porte derrière lui, apportant une clope à ses lèvres. Il l’alluma une fois sorti de son bâtiment,  il ne pourrait décrire ce doux plaisir de la cendre brûlée et de la fumée remplissant l’intérieur de sa gorge et de ses poumons. Il la savourait : il ne pourrait fumer une fois à l’intérieur de cette reproduction du deuxième cercle de l’enfer. Mais il espérait que Eden le rejoindrait assez vite, il appréciait la solitude, mais pas assez pour passer pour quelqu'un de trop "bizarre" à être present aussi tôt. Il rabattit sa veste par dessus sa chemise par réflexe, il ne faisait pas si froid que ça pour un mois de septembre. 

Il termina sa cigarette près de l’entrée, l’écrasa contre le mur et jeta le mégot avant de rentrer, en direction de la Grande Salle où se tenait le bal. Pour son plus grand plaisir, les couloirs de l’université étaient encore vide d’adolescents en sueur et en chaleur ; Aiden les traversa et arriva dans le grand espace vide où se tenait une boule de disco, bien seule au plafond et bien trop kitsch. Il alla naturellement vers ce qui devait être le bar, et n’ayant toujours pas retiré son manteau, il se pinça la lèvre, se retenant de pousser un énième soupire, pourvu que cette maudite soirée ne se passe pas aussi mal que dans sa tête.

Enyo était rentrée bien vite, après le discours de la cérémonie de bienvenue d'Elder. Elle avait finalement préféré laisser Côme et Théoden tranquilles, après avoir reçu un message de Sallie, qui voulait impérativement l'aider à se préparer, de la même manière que lorsqu'elles étaient plus jeunes. S'il y a bien quelque chose qu'elle ne pouvait pas faire dans cette situation, c'était lui dire non. Ce genre de moments étaient précieux, à ses yeux, d'avantage maintenant que son intuition s'affirmait. Le grand moment allait arriver. C'était le script parfait. Alors Enyo avait rejoint Sallie en dehors de la Grande Salle, et, après l'avoir enlacée le plus fort possible, elles s'étaient ruées vers l'appartement de la Peur. Pourtant, même s'il s'agissait de sa cousine, et que, depuis 10 ans, Enyo avait été élevée dans une famille de Joie, elle n'arrivait pas à s'habituer à cette sensation. Celle d'être bien habillée, avec des vêtements d'une qualité rare et d'une élégance sans pareil, et, surtout, de se mettre en avant et à son avantage. Enyo était toujours toute gênée en se regardant dans le miroir. Le seul reflet qu'elle avait d'elle, c'était l'image d'une Joie, bien à sa place dans la société, comme si tout était normal. Comme si elle était heureuse. Comme si... elle reniait son passé, sa véritable identité. Peut-être qu'au quotidien la brunette osait s'habiller avec plus de raffinement que le reste de son secteur, mais elle veillait toujours à être à l'aise et prête à toutes les éventualités. Alors que ce soir... Impossible de se défendre, ou de se battre, si besoin. Sa robe, mille fois trop courte pour elle -et mille fois trop décolletée-, avait tout pour lui retirer l'envie de venir. Encore heureux, Sallie avait bien choisi la couleur, un rouge comme elle les aime, mais aussi la matière. Le velours qui caressait sa peau était si agréable que, même si elle n'était pas à l'aise avec le fait de devoir se retrouver, entourée d'une foule, habillée de la sorte, elle n'osait quitter sa robe. Et puis, il faut dire que sa cousine avait trouvé les mots pour la faire céder. 

- Roh, Enyo, sérieux ! Fais toi plaisir, et fais moi plaisir aussi, non ? J'ai mis des heures à parcourir les meilleurs magasins de la ville pour toi, alors enfile moi cette robe et ferme ta grande bouche ! Elle te va comme un gant, en plus, alors que moi, je suis sûre que j'aurai ressemblé à un gigot un peu trop ligoté si je l'avais enfilée !

Une certaine once de culpabilité avait naquit quelque part au fond de ses pensées, et après mûres réflexions, c'était vrai. Elle pouvait se faire plaisir, n'est-ce pas ? Est-ce que c'était un crime ? Est-ce que ses parents auraient été contents de la voir sur son trente-et-un ce soir, ou est-ce qu'ils auraient détesté la voir dans la peau d'une joie ? Non, ils auraient détesté... Ils auraient même hait le fait qu'elle se rende à un bal en l'honneur d'Elder, alors habillée comme ça... Argh, Enyo secoua la tête. Ses parents n'étaient pas là. Depuis ces 10 ans ils n'étaient plus là, et encore jusqu'à l'année dernière, elle ne savait même pas s'ils étaient en vie, alors elle avait bien le droit de faire ce qu'elle voulait. Elle se trouvait juste des excuses. Après tout, elle devait bien se fondre dans la masse, non ? Et puis, ce n'est certainement pas avec Elder qu'elle allait danser. Encore mourir. 

Après que Sallie ait finit de tirer ses cheveux dans tous les sens pour les onduler un peu mieux que d'habitude, et de maltraiter sa peau et ses yeux avec on ne sait quels produits de maquillage, elle partie enfin rejoindre ses amies du secteur du Joie. Pour une fois, Enyo n'était pas trop inquiète pour sa cousine. Maintenant que Rashel n'était plus dans sa vie, elle n'avait rien à craindre. La jeune femme se regarda de nouveau dans le miroir, décida d'estomper un peu le rouge que lui avait appliqué Sallie sur les yeux, en faisant attention à l'eye liner dont elle semblait si fière, et admit que c'était finalement bon. Elle était présentable. Un peu trop à son goût, mais présentable. Elle attrapa alors son sac, y glissa une bouteille d'alcool, et sans vérifier si ses colocataires étaient déjà partis ou non, elle se dirigea vers le lieu du bal, étonnée d'être un peu trop à l'heure.

Musique forte, buffet garnie, échos de voix formant un brouhaha immense, odeurs de parfums mélangés et éclats de paillettes, en effet, Enyo n'avait pas pu se tromper d'endroit. Elle s'avança timidement dans la salle, jetant des regards à droite et à gauche. Elle fût choquée par les tenues de certaines Joies, encore plus osées que la sienne, et finit par rire intérieurement. Qu'est-ce qu'elle pouvait être stupide... Pourquoi se préoccupait-elle autant de son apparence ? Parce-qu'elle ressemblait à une égocentrique de Joie ? Certes, mais elle commençait à penser comme toutes ces filles qui lui donnait envie de vomir. Ce n'était pas comme si elle s'était mise sur son trente-et-un pour plaire à quelqu'un ou prétendre à la couronne. Non, c'était pour sa cousine, hein ?  Gamine, pensa-t-elle, arrête de te rassurer et profite de ta soirée, bois un coup et tu verras que ton apparence et ta naïveté iront voir ailleurs si t'y es. 

Sur ces pensées, elle fila vers le buffet, s'attrapa un verre et se servit de la première bouteille qui lui tomba sous la main. Peu importe ce que c'était, ça fera l'affaire. Elle fit dos à la table et observa en quelques secondes le monde qui l'entourait. Étonnement, elle ne vit ni sa cousine, ni les plus populaires de l'université. Oh, peut-être pas si étonnant que ça. C'était bien de leur genre de faire une entrée tardive pour mettre de l'ambiance quand la fête commence à décliner. Du moins, c'est ce qu'elle pensait quand elle voyait Yaël et Elyon de loin. D'ailleurs, en parlant de celui-là, elle allait vraiment devoir se mettre au clair sur la discussion qu'ils avaient eu le matin même, en cours. Qu'est-ce qui lui avait pris, de se barrer comme ça, sous le coup de l'émotion ? Peut-être qu'elle pensait l'avoir cerné, mais peut-être que non. De toute façon, Enyo n'était même pas sûre de vouloir remettre le sujet sur la table. Est-ce que c'était juste, de s'introduire dans la vie de quelqu'un, dans sa carapace ? Et puis, pourquoi est-ce qu'elle avait envie de le faire, tout simplement ? Ce n'est pas comme si leurs intérêts, et leurs envies étaient équivalentes. Il était qui, pour elle, en plus ? Un pote de son meilleur ami ? Un pote à elle ? Une connaissance ? ... Aiden ! Alors que ses yeux se plissèrent de plus en plus au fil de ses pensées qui l'énervait, elle l'aperçut. Lui, au moins, pas besoin de se poser la question. C'était un de ses vrais amis. Oui, ami. C'est rare, mais il lui arrive d'en avoir, alors, c'est, sans hésitation, qu'elle se dirigea vers lui, son verre au contenu toujours mystérieux en main. 

- J'ai jamais été aussi contente de voir ta tête de grincheux, bordel. J'ai l'impression d'être un poisson hors de l'eau quand je vois... ça, dit-elle, lui indiquant d'un vaste geste de la main un groupe d'énergumènes qui passait juste devant eux. Puis, se mettant bien face à lui : Mouais, pas besoin de me répondre, je sais à quoi tu penses. 

Elle le fixa quelques secondes, avant qu'un sourire soudain s'étendit sur ses lèvres. Maintenant qu'il était là, la soirée avait un peu plus de sens, et elle était bien décidée à s'amuser. Quitte à l'embêter comme elle savait si bien le faire. Enyo lui donna alors une légère tape sur l'épaule, un doux éclat de rire s'échappant dans les airs.

- Allez souris, je pensais que tu m'aimais un peu plus que ça quand même. Je vais finir par me vexer, tu sais ? Bon, peut-être pas, mais j'ai des bons talents d'actrices alors je pourrais te le faire croire juste pour que tu t'affoles un peu et que je puisse me moquer de toi. Là je suis sûre que tu rigolerais... Ou peut-être pas finalement, je connais un peu trop bien ton côté grincheux, malheureusement, et je suis sûre que t'oserais bouder à ton tour. Mouais, peut-être pas... commença-t-elle, se perdant dans ses réflexions au fil de ses paroles, un peu comme d'habitude quoi. Fallait toujours qu'elle parle trop... Enfin soit, rigole, où je te le fais payer à coup de talons, finit-elle, un sourire au coin des lèvres, une lueur amusée dans ses yeux noisettes.

Cette grande soirée constituait une épreuve pour moi, me dévoiler dans cet accoutrement à toute une populace que je ne connais absolument pas représente un défi pour moi, même si je sais très bien que certains prennent goût à ce genre de soirée. Je me trouve dans une impasse, j'ai envie d'être belle du moins de me sentir belle, pour ma confiance en moi, assez absente dans la vie de tous les jours. Cependant, je me sens extrêmement mal à l'aise dans cette tenue, ma peau est à découvert, mes chaussures sont très inconfortables, il faut dire que je n'ai pas l'habitude de porter des talons. Et encore, ils ne font que six centimètres, ce n'est rien, mais largement suffisant pour moi. Au moins je marche droit, même si j'ai passé un quart d'heure à tourner en rond dans l'appartement pour m'entrainer à ne pas tomber, ça serait con d'être la risée du monde dès le premier soir. J'essaie de me rassurer en me disant que c'est ma première année, c'est pour cela que je suis aussi stressée par toute cette agitation. Personne ne me connait, c'est l'occasion de prendre un nouveau départ, une sorte de nouveau commencement, de seconde naissance. Mes efforts pour me rassurer ne sont pas très efficaces, il va bien falloir pourtant, je ne souhaite pas rater cette soirée, je dois y aller. 

"-Ce soir, tu es magnifique."

Dis-je pour moi-même dans un souffle, sans vraiment croire à mes paroles. Puis, je reste planter là devant mon miroir, après avoir essayer dix fois mes deux seules tenues appropriés pour ce genre de soirée. Je soupire, et retire mes talons pour encore une fois remplacer une combinaison blanche plutôt chic, par la belle robe noire que ma tante m'a envoyé. Elle avait tout prévu, elle aimerait que je la mette, mais je ne me ressemble pas dedans, c'est-à-dire que je ne me sens pas moi-même en la portant. Quel dilemme ! Et dire que je pensais être une fille trop simple, pour avoir affaire avec ce genre de problème. 
J'enfile alors cette somptueuse et élégante robe noire, qui dénude mes épaules, et se rattache dans ma nuque. Elle descend près de mon corps, puis, elle se fend au niveau du bas de ma cuisse, pour laisser entrevoir ma jambe gauche. Sans mes talons, elle touche le sol, je vais devoir les mettre, si je choisis de porter cette robe. Je me sens nue, habillée de cette façon. Mais, j'ai fais mon choix, ça sera cette robe, cela fera tant plaisir à ma tante de savoir que je l'ai porter. Je m'apprêtais à attacher mes cheveux en haute queue de cheval, mais je me ravise. Si je met cette robe magnifique, autant mettre le vraiment le feu ! 

Je me dis ça, mais je sais que je vais vouloir me sauver de cette soirée en dix minutes parce que je me sentirais trop mal à l'aise. Enfin, rien ne m'empêche d'essayer. Je détache alors, mes cheveux, que j'ai déjà lisser plutôt dans la soirée. Je me suis même bruler avec le fer à lisser, c'est bien la preuve que je m'en sers jamais, pourtant ça me va bien, je devrais l'utiliser plus souvent. Je brosse alors mes longs cheveux bruns, qui descendent jusque dans le bas de mon dos. Un peu de mascara, sans m'éborgner si possible, et ça ira bien, de toutes façons je ne sais pas me maquiller alors autant ne pas tenter le diable. Je met mes cheveux bien en place, avec une raie droite au milieu de mon crâne, je parviens à faire en sorte qu'ils ne bougent pas trop, je crois que j'ai trop d'espoir sur ce coup là. Je souris à mon reflet et pour la première fois depuis longtemps, je me sens vraiment belle.

Je me regarde une dernière fois dans le miroir, et me demande si je ressemble à ma mère, peut-être que j'ai plus les traits de mon père, que ceux de ma mère, je le ne saurais jamais de toutes manières, je dois arrêter de me torturer l'esprit. Je ne prend pas de veste, il ne fait pas si froid dehors, on est en septembre quand même pas en décembre.

"- Souris un peu Arwen, tu vas faire la fête, tu vas pas à un enterrement enfin."

Me soufflais-je pour me donner un peu de contenance. Je remet mes talons, et prend mes clés, en espérant ne pas les perdre. Je ne prend pas non plus mon téléphone, déjà il date des dinosaures et il est a moitié mort, pas besoin de lui affliger plus de souffrances comme ça. Je marque un temps d'arrêt devant la porte de ma chambre, je soupire un bon coup et sort de l'appartement, pour me diriger vers le lieu de cette grande soirée. 



En arrivant, je suis d'abord éblouie par la grandeur de cette salle et la hauteur du plafond, où trône une boule de disco, qui semble bien seule au milieu de ce vide. Je suis une des premières, il n'y a que quelques étudiants déjà là, j'aurais préférée être un peu en retard, au moins personne n'aurait remarquer mon arrivée, et cela m'aurait arranger. Je marche avec assurance pour ne pas montrer à quel point je me sens nue dans cette tenue, si personne pouvait le savoir, cela m'arrangerait aussi. Mais, on va d'arrangements en arrangements ce soir ! Cette pensée m'arracha un sourire amusé. Merde, je dois sûrement passer pour une débile à sourire ainsi, je reprend alors une expression neutre, en m'avançant vers ce qui semble être une sorte de buffet, de bar.

Ce fut par une matinée brumeuse aux allures de science fiction qu'Andy se réveilla d'un bond, emmêlée dans les couvertures. De par le silence qui régnait, impossible de savoir si Rashel était dans l'appartement, mais la jeune fille était si désorientée qu'elle aurait pu se lever aux côtés d'un alien humanoïde à deux têtes et réagir pareil. En vérité, c'était un méchant lendemain de soirée pour la Joie. Un mauvais mal de crâne lui barrait le front et la luminosité ambiante l'agressait sauvagement. Elle n'avait que des souvenirs de la veille aussi brumeux que la météo, bien qu'elle n'en tienne pas rigueur. Un pied à terre, une vérification rapide de l'état de sa nausée, et elle était debout. Immobile au milieu de sa chambre, elle observa d'un air découragé la pagaille environnante et décida que ce matin, elle faisait le tri dans tous les vêtements qui traînaient au sol. Si elle avait le temps, elle passera même un coup d'aspirateur. Du moins ce fut ce qu'elle se promit avant de se souvenir que ce soir, en temps que parfaite Joie qui se respecte, elle était attendue au Bal. Un bal en l'honneur d'un homme qu'elle exécrait. Autant dire qu'elle n'était pas transportée de bonheur à cette idée. 

Avait-elle même le droit, ayant été attribuée au secteur Joie, de détester le gouvernement mis en place ? Sa conscience politique la démangeait atrocement et elle devait se mordre la lèvre pour assister sans broncher aux discours d'Elder. Quelle place avait une Rebel dans la catégorie dorée de cette gouvernance totalitaire ? Elle avait conscience depuis bien longtemps d'être du côté des oppressés, de ne pas entrer dans le moule, et d'être en danger. Aussi travaillait-elle activement à passer pour une passive, sans opinion, à l'esprit engourdi. Pour l'instant, elle n'avait rien tenté pour se démarquer de la population ; elle savait l'existence de groupes révolutionnaires inactifs mais bel et bien présents, mais n'avait pas trouvé le courage d'en arpenter les rangs. Elle se sentait trop voyante, de par sa différence de l'entière population des Joies. Elle savait aussi que le gouvernement n'était pas étranger aux pratiques de sa maternelle, bien qu'elle fut internée trop tôt pour pouvoir être considérée comme révolutionnaire. C'était d'ailleurs un point sur lequel Andy se questionnait de plus en plus : son père n'avait-il pas eu la présence d'esprit d'enfermer sa femme avant que son comportement ne porte atteinte au nom de la famille ? C'était une question fort intéressante sur laquelle il était méritant de se pencher. Il était certainement plus intelligent de le faire rapidement, avant que le paternel ne fasse quelque chose de stupide, car sa présence d'esprit semblait ces derniers temps lui échapper.

Andy chassa ces réflexions ennuyeuses à grand coup de problèmes de mathématiques incluant des binomiales toutes droit sorties de la cuisse de Satan. Toute la matinée, elle fit preuve de la concentration exemplaire dont elle avait le secret et oublia totalement ses désires de ménage. Quand elle releva le menton, il était dix-huit heures et elle avait sauté le déjeuner. Son mal de tête avait disparu, et sa détermination à aller au Bal avait régressé. Néanmoins, elle se força à affronter son reflet dans le miroir. Elle avait de la chance : son visage ne marquait pas à cause de la fatigue ; non, à la place, elle avait droit à des cernes permanents qui attestaient de sa dédication à la tâche scolaire et musicale. 

Choisir une tenue était une activité que la jeune Joie n'avait jamais trouvé gratifiante, et encore moins amusante. Elle posa son résolu sur une chemise blanche de concert et son unique jupe noire banale et ennuyeuse au possible. Par contre, elle s'amusa à choisir les chaussures les plus inappropriées dont elle disposait et opta pour ses Rangers noires, souriant d'avance à la réception négative de son allure. Tirant un trait sur le maquillage, elle se brossa vaguement les cheveux et jeta un oeil au résultat. Chose incroyable : Andy était l'une de ces personnes qui pouvaient mettre le plus d'attention dans l'habit et tout de même sembler négligé. C'était certainement une histoire d'état d'esprit. Elle haussa les épaules comme pour répondre à ses pensées et se dirigea vers l'extérieur, après avoir attrapé au vol son livre en cours sur le bureau. En passant devant la porte de la cuisine, elle s'arrêta et poussa un profond soupire. Certainement avait-elle mérité un petit remontant avant de partir, pour se motiver. Une verre de cet incroyable Bourbon au miel plus tard, elle était dehors.

Elle arriva trop vite à la salle de bal à son goût et prit le temps de fumer une cigarette avant de partir affronter la plèbe. Contre toute attente, il était assez tôt, et la jeune fille pensa avec amertume qu'elle aurait pu faire quelques gammes bien méritées avant de s'en aller. Enfin, il était trop tard pour les regrets. Elle entra.

Grande salle, buvette, lumières, bruit, gens, le lecteur s'ennuie déjà de la répétition des descriptions alors son serviteur lui épargne un paragraphe d'exposition supplémentaire. Andy foula le sol égal de la salle, le nez en l'air, le livre sous le bras, et ce fut avec plus d'enthousiasme que l'on aurait pu croire qu'elle buta contre un pied égaré et manqua de trébucher. Sa chevelure blonde avait volé dans ses yeux et elle mit quelques secondes à les arranger de sorte à pouvoir poser le regard sur le propriétaire de la chaussure. C'était, croyait se souvenir Andy, une Peur dont elle avait oublié le nom, bien plus élégante qu'elle et l'air plutôt agréable. À ses côtés se trouvait un jeune homme qu'Andy était presque certaine d'avoir déjà vu quelque part. Elle fit un effort particulier pour se remémorer leur prénom.

- Pardon, j'avais pas vu ton pied. Hum, tu es... Je risque d'être offensante, je m'en excuse. Linda ? Je m'appelle Andy, ajouta-t-elle avec un sourire chaleureux, et je m'excuse d'avance du dérangement.

Enyo n'eut le temps de répondre à Aiden qu'un poids, dont elle ignorait la provenance, heurta son pied. Elle le retira aussitôt et, par ses réflexes naturels et peut-être un peu trop vif, elle se pencha en avant pour empoigner le bras de l'individu qui, visiblement, avait déjà du boire quelques verres pour se planter à ce point. Aussitôt, elle relâcha sa prise, peu habituée et aimante des contacts physique, et se mit à fixer, de ses pupilles noisettes grandes ouvertes, le visage qui se présentait devant Aiden et elle. Un visage qu'elle connaissait depuis peu, mais qu'elle avait déjà ciblé sur la liste < à définir >. En effet, sous ses yeux, se tenait Andy Paganini, une première année, et, bien plus intéressant pour qui veut l'entendre, la nouvelle colocataire de Rashel Angelov. Elle fit abstraction de ce commentaire, laissant sa chance à Andy auprès d'elle, mais, surtout, auprès d'Aiden, qui avait bien besoin de rencontrer de nouvelles personnes et de se détendre un peu. Bon, avec une joie, c'était raté, mais l'intuition d'Enyo lui criait l'inverse. Andy avait du potentiel. Du moins, c'est ce que son radar rebelle lui disait.

Un grand sourire illumina le visage de la jeune femme alors que la joie commençait à parler. Elle étouffa un petit rire alors qu'elle la nomma d'un prénom qui n'avait rien à voir avec le sien, tout en la détailla discrètement. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait passer pour une Peur ici, c'était Andy, et s'il y avait bien quelqu'un pour passer pour une Joie ici, c'était Enyo. Rien dans la tenue de l'étudiante en mathématiques n'étant cohérent avec les critères et codes imposés par le bal. Et ça, ça lui plaisait bien, à Enyo. Transgresser les règles, affirmer son opinion, et ne pas en avoir honte. Oui, son intuition avait raison. Andy avait du potentiel, et ça, ça lui plaisait bien. Plus qu'à la déplacer dans une nouvelle liste, pensa-t-elle, tandis que son sourire s'était d'avantage accentué, jusqu'à dessiner d'adorables fossettes sur son visage.

- Enyo. Je m'appelle Enyo, dit-elle, d'une bienveillance illégale. Enchantée de te connaître Andy, mais ça ne sers à rien de t'excuser, dis moi plutôt si tu n'as rien de cassé ? Ça serait bête de célébrer ton arrivée à Temperamental par une entorse ou un bleu bien moche, ria-t-elle, ironisant la situation.

Célébrer son arrivée à Temperamental ? Il n'y avait bien qu'Aiden pour comprendre le sarcasme qui se cachait dans la voix de la Peur. Célébrer... Il n'y avait rien à célébrer dans cet événement, plutôt tout à pleurer. Mais, Enyo reprit contenance en quelques demi-secondes. Elle était confiante. Bientôt, le moment sera venu, et là... Là, les choses bougeront. Elle en était certaine. Temperamental brûlera sous le flambeaux qu'ils auront jeté à ses pieds, et le gouvernement tout entier avec. Elle se l'était promis. Elle devait le faire. C'était comme ça, pas autrement, ou... sa naissance aurait été vaine, son existence inutile. Sa gorge se serra. Ce n'était pas le moment de penser à ça, ni d'en douter. Elle avait passé l'entièreté de son existence à se préparer à ces événements, et elle savait qu'elle ne serait pas seule. Il y aurait au moins Aiden à ses côtés, elle l'espère, et puis, peut-être Yaël... Non, l'échec était impossible. Ce n'était même pas une option. C'était tout juste impensable. Elle secoua la tête, fronçant doucement les sourcils sans pourtant que son expression faciale n'ait trahit ses pensées. Au contraire, son sourire étant toujours authentique, et l'étincelle dans ses yeux ne s'était pas éteinte. Enyo respirait toujours autant la joie de vivre, bien qu'un infime changement s'opéra. Ses muscles étaient plus tendus, ses sens plus à l'affût, et ses mots plus hachés. Peut-être qu'elle était là, mais ses pensées l'avaient bien vite ramenées à la réalité. Son devoir de rebelle était toujours de rester sur ses gardes, peu importe la situation, peu importe ses désirs de s'amuser. 

Elle but alors une gorgée de son verre qu'elle n'avait toujours pas goûté, et dont elle ne savait toujours pas le contenu, avant de sourciller. Elle s'attendait à tout sauf à quelque chose d'aussi fort. Sérieux, l'université proposait ça à ses étudiants ? Vaste blague. Elle se permit d'attraper le verre d'Aiden et de lui glisser le sien dans sa main avant de prendre une gorgée de ce nouveau contenu. C'était bien mieux. Elle lui offrit un sourire angélique pour se faire pardonner, une lueur tout autant amusée dans le regard. En effet, comme il l'avait prédit, elle était bien déterminée à être entourée par des Joies. La situation s'y prêtait bien, avait-il des dons divinatoires ? Elle se retourna vers Andy.

- Ce vieux malpoli, c'est Aiden. Il est tout autant enchanté de te connaître mais il ne le dira pas, il a un petit problème avec les Joies, alors... Enfin, j'imagine que tu vois bien ce que je veux dire, j'ai la nette impression qu'on t'a calé dans ce secteur par défaut, et sans prendre en compte ton test... Je me trompe ? Lança-t-elle, ses yeux se plissant très légèrement pour sonder la moindre réaction de la blonde. Ainsi, Enyo pourrait peut-être confirmer le potentiel qu'elle venait de remarquer chez la première année...

Après la cérémonie Eden n'était pas retourné dans sa chambre. Il s'était préparé en amont, portant déjà son costume sur lui pendant qu'Elder faisait son blabla. Sa route avait été séparée de Rashel, cette dernière étant allée se changer chez les joies. Ils s'étaient dit qu'ils se retrouveraient à la fête, parce que ne pas passer du temps avec Rashel en soirée était vraiment synonyme de mauvaise soirée pour le colère.

En sortant de la grande salle, il avait croisé deux trois connaissances à lui qui lui avait proposé un avant soirée et Eden fidèle à lui même avait accepté. Il s'était donc retrouvé dans le pub de la ville, la ou il avait tendance à se retrouver un peu trop souvent. Il avait un peu bu, trois verres assez léger au maximum, se laissant le choix de se terminer à la soirée ou non. Il avait ri, s'était un peu moqué de quelques personnes avec ses amis - oops -, il s'était juste amusé. Eden était de bonne humeur étonnement, cela changeait de ses derniers jours, cela faisait plaisir à voir. Sa phase de déprime qui se montrait chaque année à la période de la mort de sa mère était passée, ou du moins il espérait que ce soit le cas. 

21h00, son téléphone vibra sur la table. Il l'attrapa et vit le prénom de Rashel dessus ( <3 ). Elle venait de lui envoyer les photos qu'ils avaient prit tout à l'heure. Il se cala confortablement contre le dossier de la chaise et commença à les regarder, faisant une sélection. Après avoir choisit celle qui lui plut le plus, il la posta sur display non sans une description nuancé d'arrogance. 

- Bon les gars on décale ? Avait il dit à ses potes en se levant, sans attendre une réponse de leurs parts. 

C'est ainsi qu'Eden le beau gosse, futur roi de la soirée t'as capté, se ramena au bal. Le bal, ouais Eden en avait rien à foutre en soit. C'était juste un bon prétexte pour lui de voir ses amis, boire, et faire plein de bêtises. Eden était un grand adolescent encore, il essayait de profiter de ses années au maximum parce qu'il savait qu'après Temperamental tout ça serait finit. Il comptait intégrer l'armée, Monsieur Lawrence l'avait bien briffé là dessus, Eden savait à quoi s'en tenir. L'armée, c'était un réel objectif pour Eden, un accomplissement. Bien que l'art, et l'envie de tatouer était forte, l'envie de prouver qu'il était capable de faire autre chose que du " dessin " l'était bien plus. Il avait se besoin qu'on soit fier de lui, et il savait qu'en réussissant et en rentrant à l'armée ON serait fier de lui. Eden avait cette part en lui, celle de l'enfant qui avait toujours attendu que son père ait un mot bienveillant à son égard ou juste soit heureux d'avoir un fils comme lui. Petit, enfin après la mort de sa mère, son père n'avait jamais montré un geste tendre, une parole gentille à son égard et l'adulte qu'il était maintenant en payait les conséquences. 


Il foula donc le sol, et comme la plupart des étudiants se rendit vers le buffet. Il était toujours entouré de ses deux - trois connaissances, et quelques nouvelles personnes qui avait agrandit le groupe. Eden se mit dos au buffet, ayant ainsi une vue sur la salle. Tout en faisant mine de rigoler avec un mec, il scruta les gens présents à la recherche d'un VRAI ami. Elyon n'était pas là, ni Yael et Rashel encore moins, la salle était encore trop calme pour qu'il y ait la trace d'un des trois. Mais il vit, posé un peu plus loin un de ses autres maxi pote : Aiden. Malheureusement il n'aurait pas pu être en pire compagnie : Enyo se trouvait à ses côtés. Beurk ( emogi vomi ). Eden se promit d'aller le voir après, il n'était clairement pas apte à faire la charité auprès de l'autre.

Après le discours d'Elder, Léna n'avait pas tardé à quitter la salle, évitant les embouteillages d'étudiants à la sortie. Un coup d’œil à sa montre avait suffit à lui indiquer qu'elle avait encore le temps avant de se préparer pour le bal du soir, elle s'était donc dirigé vers la sortie des bâtiments. Ce ne fut qu'une fois dehors que la jeune Joie inspira profondément, marchant tranquillement dans les allées presque désertes, tout le monde étant rapidement rentré dans sa chambre. Elle profita donc de la solitude et de l'air pur, il le fallait bien puisqu'elle allait passer la soirée dans une salle remplie de jeunes gens en sueur. Mais au bout d'un moment, il fallut rentrer afin de s'habiller. Un dernier soupir avant de passer les portes puis les couloirs virent passer la jeune fille en direction de son appartement dans lequel elle rentra avant de filer dans sa chambre, ne se préoccupant pas le moins du monde de ses colocataires.

Ce ne fut qu'une fois arrivée devant son placard que Léna se posa la question qu'il fallait: qu'allait-elle porter ce soir ? Elle y serait bien allée en jean / T-shirt mais elle ne voulait pas attirer l'attention ainsi. Et puis, elle était une Joie donc elle se devait d'être bien habillée, non ? Donc il lui fallait une belle tenue mais pas trop non plus, la jeune fille ne souhaitant pas devenir la reine de cette soirée. Sauf qu'elle n'avait qu'une seule robe qui rentrait dans les critères, et ce n'était pas vraiment une de ses préférées. Peut-être parce que les robes ne faisaient pas partie de son top one de ce qu'elle aimait porter. Léna ouvrit la porte du placard et en sortit la fameuse robe, sa mère aurait aimé la voir dedans... C'était elle qui la lui avait acheté. La Joie enfila donc la tenue rapidement et passa devant le miroir afin de voir l'effet que cela donnait.

Le reflet qu'elle vit alors lui envoya l'image d'une belle jeune fille dans sa robe d'un noir qui l'amincissait. Le haut ne couvrant que sa poitrine et ses bras, formant un nœud sur le devant qui faisait en sorte que le tissu tienne. Le bas, une simple jupe droite plutôt courte. Et pour agrémenter la tenue, des chaussures à talons, noires elles aussi, pas de bijoux, un fond de maquillage discret, une coiffure simple, les cheveux lissés et lâchés, prêts à reprendre leur nature sauvage. Léna ajouta à tout cela un sourire, tourna sur elle-même et, satisfaite de son image, prit un petit sac dans lequel elle posa ses clefs et son portable ainsi qu'un bloc-notes et un crayon, juste au cas où elle s'embêterait. Puis elle quitta l'appartement et prit la direction de la salle de bal.

Après quelques minutes passées à déambuler dans les couloirs vers le lieu du bal, entourée par de plus en plus de personnes au fur et à mesure qu'elle s'en approchait, Léna entra dans la salle et eut un temps d'arrêt. Trop de monde, trop de lumière, trop de bruit. Elle failli faire demi-tour mais elle s'en empêcha. La jeune fille ferma les yeux, plaqua un sourire enjoué sur ses lèvres et rouvrit les yeux avant d'avancer parmi les étudiants. Où aller ? Pas sur la piste, pas encore alors qu'elle était seule. En même temps, vu le peu de monde qu'elle connaissait, elle risquait de passer la soirée complète seule. Le bar ? Pourquoi pas, c'était une bonne solution. La Joie s'approcha donc du comptoir et prit le premier verre qui lui passa sous la main avant de s'adosser, face à la piste, cherchant à déterminer à qui elle pourrait parler.

À travers sa chevelure en bataille, Andy décrypta un visage de bienveillance, un sourire de bienvenue et un éclat de bonté. Il ne lui en fallait pas plus pour offrir à son tour un sourire solaire, après avoir tiré sur sa jupe pour vérifier qu'elle soit bien en place. La Joie prit le temps de placer son livre sous son bras et ramena ses cheveux derrière les oreilles. En effet, le prénom n'était pas le bon, et elle pouvait l'excuser par sa vivacité incongrue. Si la Peur, qui venait de se présenter, semblait être la personnification même de la gentillesse, le jeune homme à ses côtés était sur ses gardes, et restait silencieux. Andy eut un rire poli et fit un pas en arrière, comme pour laisser voir à ses deux interlocuteurs la préservation de sa bien-portance. 
 
- Rien de cassé, non, ne t'en fais pas.
 
Elle lorgna le verre de Enyo et se fit une note mentale : elle avait bien mérité à boire, elle aussi, après toutes ces émotions. Du moins ce fut ce qu’elle se dit.
 
- Dommage, dommage... Peu importe, vu la quantité d’alcool qu’on va tous ingérer pour survivre au discours qui nous attend, on va tous repartir en se prenant les murs.
 
C’était dit sur le ton de l’humour, mais Andy le pensait très sérieusement. Si elle n’avait voulu conserver une certaine image aux yeux de l’administration, bien qu’ils ne fassent que très peu attention aux premières années, elle ne serait pas du tout venue. Néanmoins, en y réfléchissant, elle était désireuse de savoir quel genre de problèmes sous-jacents allaient encore leur tomber sur le coin de la bouche et ce que le gouvernement allait essayer de leur faire avaler sans passer pour des oppresseurs.
 
La jeune Joie observa le petit manège d’Enyo qui jonglait avec son verre et celui de son ami en souriant et scruta la distance qui la séparait du bar, mais avant qu’elle ai pu prendre une décision la jeune Peur lui présenta le prénommé Aiden. Et fit des suppositions très osées sur son statut de Joie. Andy resta sur ses gardes et, sans se départir de son sourire charismatique, avança d’une voix égale :
 
- La plupart des gens ont certainement de bonnes raisons de ne pas faire confiance au secteur Joie. Quand au test... disons qu’en dessous de mon nom, au lieu d’écrire mes points ils ont noté le salaire à six chiffres de mon père. Comme si l’argent présidait les idées.

En soit, rien de ce qu'elle avançait ne la catégoriserait rebelle et bonne pour la cellule, mais elle préférait rester prudente.

Cela faisait cinq minutes qu’Elyon avait garé sa voiture sur le parking de l’université, son téléphone dans sa main droite, le coude gauche posé sur le volant, ses yeux suivaient furtivement les dernières actualités qui défilaient sur son écran. Comme à son habitude, il était en retard pour l’évènement de la soirée, aka le Bal, mais était-ce étonnant venant de lui ? Absolument pas. Les stars savent se faire attendre, et elles n’y voient aucun inconvénient. D’ailleurs se retrouver dans cette salle, au milieu d’une bande de gamins en sueurs était bien la dernière chose dont il avait envie ; il aurait largement préféré se retrouver dans un bar accompagné d’Eden et de Yaël, ils se seraient enfilés des verres, chopés des meufs, rient encore et encore, peut-être même auraient – ils cassé quelques gueules, enfin voilà, ils auraient fait la fête comme il se doit. Mais le souci c’est qu’ils n’étaient pas n’importe où, ils étaient à Temperamental, l’endroit où les apparences compte bien plus que nul par ailleurs, cet endroit maudit où chacun se doit de se montrer sous son meilleur jour dès qu’Elder le demande, comme ce soir, où, après avoir supporté le barbant et hypocrite discours de bienvenue, les élèves devaient faire bonne figure en se rendant à la nouvelle connerie inventée par il ne savait trop qui : le bal de cérémonie de bienvenue. Oh, notre célèbre Colère n’était pas dupe, beaucoup d’élèves étaient probablement ravis de ce nouvel évènement, puisqu’il présentait une occasion de pouvoir enfiler sa meilleure tenue provocante, ses bijoux les plus chers et surtout, grâce à l’élection du roi et de la reine de la soirée, prouver à tous que l’on était le, ou la plus populaire de l’université. Beurk, c’était à vomir. S’il y a bien une personne qui ne voulait ô grand jamais, remporter cette petite élection de minable, c’était bien Elyon. Et ce n’était pas parce qu’il s’en faisait pour sa popularité, loin de là, il l’était bien assez comme ça et n’avait sûrement pas besoin de se voir affublé du titre de roi de la soirée. Mais ce genre de chose intéresserait probablement les petites vermines assoiffées de pouvoir comme Rashel, vous pouvez être sûr qu’elle ne manquerait pas de se faire remarquer ce soir, et si ce n’était pas parce qu’elle était élue, le brun se doutait que ce serait parce qu’elle irait faire la peau à la gagnante. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres en pensant à la fille Angelov ; il ne se lasserait jamais de l’emmerder celle-là.

 

Un coup d’œil sur sa montre, une main dans ses cheveux et notre beau gosse se retrouvait dehors, marchant de son habituel pas décontracté en direction de la salle du bal dont s’échappait la musique par les grandes portes entrouvertes. Bondée, la pièce était bondée d’étudiants qui, comme prévu, c’étaient tous mis sur leur 31. Elyon ricana intérieurement ; une parfaite soirée pour permettre aux Joies de se montrer, aux Tristesses de lâcher quelques larmes parce qu’ils n’ont pas été élu roi ou reine de la soirée, aux Peurs de se faire un énième film sur un énième complots, et aux Colères de tordre deux ou trois cous d’agacements. Il balaya la salle du regard, petit automatisme qu’il faisait chaque fois qu’il rentrait dans une pièce. Des têtes familières lui apparurent, d’autres inconnues, certaines dont il ne s’approcherait jamais et d’autres qu’il prendrait plaisir à connaitre, bah ouais, comme l’avait dit Yaël un peu plus tôt, c’était la dernière année où il pourrait se taper des premières années sans que ce soit étrange, alors il n’allait pas se priver.

 

Slalomant entre les gens, Elyon laissa évidemment trainer ses oreilles par ci par là, sait-on jamais qu’il récupère quelques informations importantes pouvant éventuellement lui permettre de foutre la merde entre quelques personnes. Il venait de repérer un individu fort intéressant, le deuxième beau gosse qui vivait dans son immeuble, qui n’était d’autre qu’un de ses meilleurs potes, Eden Dewar, et marchant dans sa direction lorsque, à environ cinq mètres sur sa gauche, il vit la personne qui, malgré lui, occupait pas mal son esprit ses derniers temps. Elle était ravissante ce soir, enfin, comme à son habitude, mais ce soir tout particulièrement, peut être parce qu’elle portait du rouge -sa couleur préférée- mais bref, passons. Enyo Merill semblait occupée à discuter avec son pote Aiden, un gars qu’il ne connaissait pas vraiment, et la petite blonde qu’il avait déjà vu à la cérémonie, Andy si sa mémoire était bonne. Il ralenti un instant, observant la brune avec un peu d’insistance comme il avait l’habitude de le faire, et puis il savait par expérience que les gens sentent lorsqu’ils sont observés, c’était donc une technique subtile de capter rapidement l’attention de quelqu’un un court instant, juste histoire de dire « je t’ai vu ». Et puis il devait avouer qu’il était encore un peu perturbé de leur discussion de ce matin, et que l’attention grandissante qu’il portant à la jeune femme l’intriguait de plus en plus. Il lui fallut quelques secondes pour se recentrer sur son objectif principal, rejoindre Eden, se qu’il entreprit de reprendre dans la foulée. 


- Alors vieux, tu restes à côté de la bouffe comme les ptis gros qui ont peur qu’elle disparaisse, d’ailleurs, dit – il en fronçant les sourcils, ça fait longtemps qu’on s’est pas croisé à la salle.

Aiden attendit un instant, la jeune fille blonde semblait vraiment sincère et il ne se posa pas plus de question. C’était certes une Joie mais elle était étonnamment d’accord avec les propos d’Enyo, ce qui, en soi, le rassura quelque peu. Oui, il n’aurait peut-être moins encore supporter discuter avec quelqu’un qui soutenait le gouvernement, et même le plus idiot dans tout ça est que le jeune était incapable de « cacher » son refus de l’autorité, un vrai sens du mélodrame.

- Je suis pas si malpoli que ça Enyo.. arrête un peu, il sourit et but une gorgée de son punch ( il se dit également que ce cocktail était foutrement dégueulasse ).

Du coin de l’œil, Aiden remarqua l’arrivée d’Eden et lien fut soulagé devoir qu’il était présent et sans l’autre horrible Joie. Il nota dans un coin de sa tête qu’il devait le voir au moins une fois durant cette soirée, autant s’amuser avec les fêtards. Le jeune homme aperçu Cheryl, la jeune femme semblait perdue ; il la connaissait assez pour comprendre qu’elle était loin d’être à l’aise dans cette environnement, et tout comme Eden, il se dit qu’il devait la voir, au moins pour la rassurer. Et puis, son attention se recentra sur Andy.

- Il est vrai que ton statut de secteur ne va pas m’encourager à engager volontairement la conversation avec toi, j’ai mes raisons et je m’en excuserais pas. Il sentit l’atmosphère se tendre entre eux mais il n’accorda pas vraiment d’importance à ce « détail ». Et nous savons tout les trois que l’argent contrôle, dirige et nourrit nos petites élites, ce n’est pas en se plaignant de la non-retenue de nos idées lors du test d’entrée qu’on arrivera à faire bouger les choses.

Il n’avait pas retenu sa langue, comme toujours ; même si ne cherchait aucune animosité envers la blonde ( ce qui était vraiment le cas ), disons qu’il n’aimait pas les longues discussions tournant autour du pot. Et surtout, il n’en avait plus rien à faire d’être transparent ou non : ses mots suivaient ses pensées -avec certes toujours un petit temps de retard- sans aucune altérations.

- Même si ton secteur ne te convient pas, ta place est un privilège. Tu auras tout le temps de faire comme bon te semble hors de Temperamental, entre autre grace aux quelques zéros sur le salaire de ton père. Il termina son verre et se promit d’aligner quelques shots durant la soirée ; il regarda Andy, puis Enyo. Et puis, c’est quoi quatre ans dans une vie ?

Le tout dans un grand sourire.

Andy ne se défaisait pas de son sourire respirant l'honnêteté et la droiture. C'était le visage qu'elle avait travaillé depuis son enfance, d'abord sous la supervision de son père (qui donna un résultat approximatif, le paternel n'ayant guère l'âme d'un leader) puis par elle-même, à force de se retrouver du mauvais côté de la caméra. Le côté ennuyeux d'une simili-célébrité. Peut-on clamer être célèbre quand les seuls à nous connaitre sont les vieux intellectuels mélomanes et quelques âmes déchues qui viennent se réchauffer à l'église ? Dans le monde fou qui était celui de la Nouvelle-Angleterre, les frasques d'une violoniste virtuose avait réussi à intéressé quelques gratte-papiers.

- Allons, j'en connais deux ou trois qui font l'affaire, répondit-elle sur le ton de l'humour.

Bien que c'était la première fois qu'Andy rencontrait Aiden, elle décida vite qu'elle l'appréciait, même s'il ne lui facilitait pas la tâche. Elle était d'accord avec ce qu'il disait. En fait, ce qu'il avançait avait été testé et vérifié par la jeune femme au cours de sa courte vie. Après tout, les gens ne le savaient peut-être pas, mais elle avait beaucoup voyagé. Voyager avait tendance à ouvrir l'esprit. Avoir un grand frère avec des idées aidait aussi. 

Les deux étaient sarcastiques. Voir même ouvertement belliqueux, pour Aiden. Mais la Joie n'en tenait pas rigueur. Si elle avait été dans la même position, elle aurait fait pareil. Ou peut-être pas. Elle avait trop de retenue pour cela. Néanmoins, leurs propos étaient fondés. Ils n'avaient rien de très novateur, même si ce n'était pas très fin de les hurler sous les toits alors qu'Elder était en chemin, voir même déjà sur les lieux. Elle aurait aimé être ouverte, leur avouer qu'elle avait autant d'oeil sur elle que n'importe quel Peur.

- Vous avez pas tord. Mais faut pas oublier que si les Peurs, on les fait disparaître dans des circonstances inexpliquées, les Joies problématiques, on les fait passer pour fous et on les enferme en Enfer à vie. Une image salie par les privilégiés est une image biaisée.

Elle non plus ne s'était pas départie de son sourire. C'était exactement ce qui était arrivé à sa mère. Depuis peu, elle avait des doutes sur les vérités que son père énonçait. Elle ne pouvait nier le fait que sa mère n'avait pas toujours eu toute sa tête, mais la plupart des maladies mentales étaient aujourd'hui très bien traitées et les gens stabilisés vivaient très bien hors des hôpitaux. Or, depuis qu'elle avait huit ans, sa mère avait mystérieusement disparu. Son père avait pu la faire interner car elle offrait au monde des idées "de l'autre bord", comme son père disait. Autrement dit, elle avait des convictions à l'encontre de celle du gouvernement. Lip et Andy s'étaient souvent questionné là-dessus. Ainsi, il était certain que le gouvernement avait un oeil sur la famille Paganini et c'était sans doute pour cela qu'il les avaient fait revenir de Russie il y a quelques années pour les avoir dans le radar. Ce qui mettait Andy dans une position délicate à Temperamental. 

Voilà aussi pourquoi elle ne s'autorisait que de vagues indices sur la position de ses idées. Elle ne comptait pas se retrouver enfermée, elle aussi. C'était gâcher un révolutionnaire compétent. La proposition de la bouteille d'Enyo fut bienvenue. Le regard poli d'Andy s'élargit dans une véritable joie.

- Pas la peine d'essayer de me mettre un entonnoir dans la gorge, je vais boire avec plaisir. Je me demandais justement comme me débareasser de vous pour aller me griller les circulations nerveuses du cerveau.

Il était étrangement satisfait qu’on puisse lui tenir tête ainsi, surtout sur un tel sujet. En temps ordinaire, Aiden n’aurait jamais laissé une Joie avoir le dernier mot et la tension serait monté encore d’un cran ; mais avec Enyo à ses côtés, le jeune homme mesurait ses propos. Oui, étonnamment le brun savait contenir son côté sanguin quand cela était nécessaire : ce qui arrivait beaucoup trop souvent à son goût, être aussi freiné dans ses libertés personnelles le frustrait bien plus qu’il ne le démontrait. Cela ne tenait qu’à lui de tout foutre en l’air, de faire exploser cette université et d’en faire peut-être la même avec sa propre cervelle. Au fond, c‘ est sûrement Enyo qui freinait ses ardeurs.

Au coté de la jeune fille, il avait appris l’importance de ne pas tout dire, de se taire et surtout l’importance du silence. C’est ce qui l’avait perturbé les premières fois : elle était toujours sur ses gardes, faisant attention au maximum à chacun de ses pas, de ses mots. Aiden avait pris ça comme une paranoïa excessive couplé d’un cruel manque de confiance en soi, ils étaient pourtant du même camp, mais le jeune homme s’était trompé ( et il en fut le premier étonné ) et Aiden comprit que son attitude était véritablement justifiée : cette méfiance constante envers les autres et aussi envers soi-même était tout nouveau pour lui, et le jeune homme était impressionné par ce bagage que la brune portait derrière elle : toutes ces responsabilités, il les aurait déjà foutu en l’air à sa place. Et outre ces responsabilités : on comptait sur elle, tout le monde se reposait  sur elle : elle était importante -et ce aux yeux de beaucoup de personne, elle, elle comptait. Était-ce de la jalousie ? Ou de l’admiration ? Cela lui laissait un goût amer dans la bouche.

- Aller Enyo, à toi le privilège d’ouvrir cette bouteille pour enfin essayer d’oublier cette foutue soirée. Cela ne servait à rien de le cacher, Aiden attendait juste d’être éclaté, comme tout les autres étudiants. J’ai hâte de finir mort ce soir.

Aiden posa son verre sur le bar et sortit son paquet de cigarette et regarda autour de lui, personne : autant en profiter, il n’avait pas varaiment la motivation pour sortir juste pour fumer. Son paquet s’était rapidement vidé, un peu trop vite à son goût malgré ses quelques joints restants, néanmoins il fouilla dans sa poche et se sentit soulagé quand il reconnu le petit sachet de plastique contenant quelques pilules d’extasy ( vestiges d’une précédente soirée ).

Il plaça une clope à ses lèvres et en proposa une aux deux jeunes femmes.

Eden était toujours dos au buffet, mais le corps légèrement tourné vers son groupe de soce. Il était présent physiquement mais son esprit était ailleurs. Il avait perdu le fil de la conversation entre Paco et Zed, ces deux là n'étant pas plus intéressant que ça. Ils étaient des copains de buveries mais c'était tout. Eden ne faisait même plus l'effort d'ouvrir la bouche ou de rigoler à leurs blagues, Eden attendait que ses amis arrivent. Ou était passé la délicieuse Rashel ? Le rayon de soleil de Temperamental. Il était surement le seul à penser ça de la brune, mais n'était il pas le seul à la connaitre aussi ? Qui avait prit la peine de creuser au delà de ses apparences ? Eden savait que Rashel était bien plus humaine que les gens ne pouvaient y croire, il savait qu'il pouvait lui faire confiance, et il savait que même si elle n'arrivait pas à le dire ouvertement, elle était son amie et que cette amitié était des plus sincères. Il l'imaginait bien à l'instant entrain de finir de se préparer, attendant la bonne heure pour faire une apparition digne d'une Angelov. Mais Eden, lui, estimait que c'était l'heure, sa Joie préférée lui manquait. 

Et Elyon et Yael, ils étaient ou eux ? Ces deux ptits cons. Que foutaient ils hein ? Ils étaient si long à se ramener. Eden était déçu qu'ils ne soient pas venus avec lui faire la fête en compagnie des deux zigotos à ses côtés. Ils avaient donc intérêt à faire venir leurs fesses au plus vite maintenant. Parce que plus les minutes passaient et plus Eden se renfermait dans sa tête. C'était fou à quel point Eden était un grand garçon si compliqué. A sourire et rire à 21heure et à tirer la gueule à 21h03. Il n'arrivait pas à saisir lui même comment il fonctionnait. Ce qu'il se passait dans sa tête. Tout était toujours fouillis " t'es un artiste Eden, c'est normal que ce soit le chaos dans ta tête " lui avait un jour dit un mec lambda avant Temperamental. Avait il raison ? Ou est ce que ça n'avait strictement aucun rapport ? Eden n'arrivait pas à se comprendre et à savoir d'où venait ses changements d'humeurs. Il comprenait pas comment il arrivait à avoir besoin des gens tout en ayant aussi besoin d'être seul. Eden ne comprenait pas mais il avait finalement toujours était comme ça et il y avait bien une signification. Le traumatisme de son enfance en ayant vu sa mère mourir dans la boîte numérique, la colère de son père s'abatant sur lui, les gens qu'il commença à côtoyer en grandissant, son année dans la rue, l'art son échappatoire. En fait Eden avait grandit avec un besoin de reconnaissance qu'il le rendait demandeur du contact humain, mais il avait grandit avec son côté solitaire qui le poussait à se fier qu'à lui même et à avoir besoin d'être seul pour se relaxer. Peut être Eden l'avait compris à force des cours de thérapie qu'il avait très régulièrement, mais qu'il ne voulait juste pas l'admettre ? Oui c'était un garçon bien compliqué. 

Ses pensées furent interrompues par l'arrivé d'Elyon. Il avait eu un sursaut imperceptible à l'entente de la voix du colère qui l'avait surpris, et n'avait pas entendu la première partie de sa phrase, ce qui n'était pas plus mal. C'est avec un sourire, qu'il avait tourné sa tête vers son colocataire content de le voir, avant d'adopté une attitude plus neutre avant de lui répondre.

- Normal j'y suis pas vraiment allé ces dernières semaine, j'me suis plus focalisé sur le dessin. répondit Eden avec un léger mouvement des épaules.

Il est vrai qu'Eden et Elyon ne s'était pas beaucoup croisés ces temps ci. Et c'est peut être aussi pour cela qu'Eden était tant impatient de passer cette soirée en compagnie des meilleurs. Disons que la semaine qui était passé avec l'anniversaire de la mort de sa mère le colère avait broyé pas mal de noir et avait eu besoin de s'éloigner de tout le monde. Mais c'était récurent à cette période de l'année, rien de bien inquiétant, Eden fonctionnait comme ça après tout. Heureusement qu'il avait l'art en excuse ça lui évitait d'avoir à parler de ses états d'âmes.

 

Le problème lorsqu'on était craint par la moitié de l'université et lorsqu'on passait maître dans l'art de la manipulation et de la corruption, c'est qu'on s'en croyait définitivement à l'abri. Pourtant, un médecin tombe malade, un champion d'athlétisme se fait une entorse, et une manipulatrice se fait duper, n'y voyant que du feu car trop focalisée sur son propre talent qu'elle pensait impossible à surclasser. Il suffisait qu'un jour, on tombe sur un adversaire aussi coriace que soit qui, finalement, parvienne par prendre le dessus une courte seconde, mais une courte seconde qui serait suffisante pour être dépassée sans même en avoir conscience. Et lorsque Nathaniel Fisher était à ses côtés, son éternel et inimitable sourire en coin figé sur son visage d'ange, Rashel se faisait dépassée sans s'en apercevoir. Parce qu'avec elle, il était sympathique, agréable, courtois, et surtout, il savait manier les mots. Le regard neutre qu'il promena sur sa robe fit presque monter un sourire fier aux lèvres de la bulgare, mais elle le retint toutefois, conservant cette satisfaction pour elle-même. Oui, elle savait parfaitement que c'était la couleur favorite de Nathaniel, mais de là à la mettre spécifiquement pour lui, il ne fallait tout de même pas rêver. L'éternelle arrogance et prétention de la fille Angelov l'empêchait de penser aux autres lorsqu'il s'agissait de briller. Pourtant, le fait que le jeune homme semblait approuver son choix de tenue la contentait. Il fallait bien le reconnaître : qu'il suppose qu'elle porte cette robe spécifiquement pour lui était aussi amusant que plaisant. La jeune fille haussa les épaules d'un air indifférent avec un léger sourire taquin aux lèvres.

- Je me suis dis que j'aurai davantage de chances d'être remarquée ainsi, noyée au milieu d'une foule de robes noires plus fades les unes que les autres. Et à en croire vos paroles, j'ai visé juste, n'est-ce pas ? 

Le blond lui prit sans se faire prier la bouteille des mains, et à en juger par les traits de son visage, elle devinait qu'il devait apprécier tout autant qu'elle ce nectar divin. Elle récupéra rapidement la bouteille pour y boire à nouveau. Etait-ce raisonnable ? Pas franchement. Rashel avait déjà descendu une bouteille entière de vodka un peu plus tôt avec ses camarades, et il ne lui en fallait que peu pour très vite ressentir les effets désinhibant de l'alcool. Mais là, on parlait quand même de son alcool préféré, aussi la modération n'allait pas être de mise ce soir. Même si elle avait tendance à devenir presque sympathique après un certain nombre de verres. Après tout, elle comptait passer la soirée en compagnie des meilleures personnes pour s'amuser, et elle pouvait être rassurée de la présence de Nath et d'Eden qui l'empêcherait probablement de s'approcher des mauvaises personnes. C'est donc après avoir accepté l'invitation du Joie et avoir glissé son bras dans le sien pour être accompagnée que la bulgare s'était mise en route. Le bruit félin et assuré de ses talons attaquant férocement le sol n'allait sûrement tromper personne : une démarche aussi franche ne pouvait qu'appartenir à la fille Angelov. 

Durant le court trajet pour rejoindre la salle réservée à l’événement, la petite brune ne s'était pas privée de reprendre une gorgée ou deux de sa Rakija, prenant soin d'en proposer également à son cavalier. Ce n'est qu'une fois devant l'entrée de la salle que les deux ralentirent un instant. Pas de doute, vu la musique qui s'échappait lourdement des enceintes, elle était au bon endroit. Elle ignorait si Eden serait déjà présent sur les lieux ainsi que s'il était déjà flanqué d'Elyon ou Yael, comme presque à chaque fois lors des soirées. Du moins, elle espérait qu'il soit déjà là. Pas forcément accompagné du premier dans la mesure du possible, mais dans l'hypothèse où le nuisible était arrivé avant elle, elle saurait effacer sa présence avec une autre gorgée. Juste avant de pénétrer dans la salle surchauffée, Nathaniel se pencha vers elle, frôlant du bout des doigts l'une de ses mèches de cheveux pour la replacer correctement. Son geste, ainsi que son estimation lancée de sa voix aussi traînante qu'insolente, lui arracha un sourire. Penchant légèrement la tête afin de pouvoir relever ses iris de givre vers lui, elle conservait un petit air mutin. Au moins tout autant arrogant que le sien. 

- Seulement les trois quarts ? Tu vois encore trop petit, Nath. C'est toutes les têtes que je veux sur nous, rétorqua-t-elle d'un regard entendu.

Sur ces mots, son bras toujours glissé dans celui du blond, ils passèrent enfin la porte de la salle, qui se referma sur eux aussitôt. Effectivement, Rashel avait bien fait de ne pas venir trop tôt, puisque l'ambiance semblait à peine démarrer. Il n'y avait que les Peurs ou les Tristesses pour venir à l'heure dans ce genre d'événement. Les gens médiocres et insignifiants qui ne venaient que pour faire acte de présence, sans même avoir comme objectif de s'amuser un tant soit peu. La vie de ceux-là devait être sacrément triste. Instinctivement, la brune promena son regard stoïque sur l'ensemble de la salle, cherchant les visages qu'elle souhaitait trouver en priorité. Malheureusement, à défaut de croiser le regard d'Eden, elle ne tomba que sur Andy, sa colocataire qui avait cru bon de faire du zèle avec elle après le discours d'Elder, en charmante compagnie. Aiden et Enyo. Super, la #TeamParano était de retour en force. Qu'est-ce qu'Andy fabriquait avec ces deux-là ? Décidément, cette fille n'avait de Joie que le nom, et ne véhiculait en rien tout ce que faire partie de ce secteur impliquait. Comme si elle s'était retrouvée là par défaut, parce qu'il y avait un déficit de place dans les autres secteurs où ils auraient pu la parquer. Que la blonde ne se fasse aucune illusion concernant son entente avec la bulgare : si elle sympathisait à ce point avec des gens comme ça, Rashel se limiterait aux courtoisies habituelles et imposées par sa condition et sa situation de colocataire, mais ça s'arrêterait là. Pas de copinage avec une fille comme ça. 

Quant à Aiden ou Enyo, était-ce même nécessaire de les évoquer ? Entre une fille qui s'imaginait comme un Archange descendu sur Terre pour défendre la veuve et l'opprimé, et un type paumé et probablement camé qui s'habillait comme un anarchiste et qui pensait mieux réussir ses smoky-eyes que Rashel en personne, il était inutile de gaspiller du temps et de la salive pour les évoquer. Encore que si déverser des litres de médisances sur eux pouvait être sacrément distrayant, la bulgare ne comptait pas le faire ce soir, du moins pas tant qu'une opportunité plus intéressante se présenterait à elle. Néanmoins, même si aucun son, ni même un ricanement arrogant ne franchit ses lèvres, elle n'en pensait pas moins. Voir Enyo se dandiner comme une adolescente pré-pubère pour descendre sa robe était tout simplement ridicule. Elle pouvait bien critiquer les Joies tant qu'elle le voulait : ce soir, elle aurait presque pu se fondre parmi leur secteur. Presque, parce qu'une robe rouge qui n'était certainement même pas la sienne était à des années lumières de suffire. Pourquoi Diable elles avaient été amies fut un temps, déjà ? Quant à Aiden, ce type était un spectacle à lui tout seul et une mine d'or pour l'esprit pervers de la fille Angelov, se régalant d'appuyer sur tous les boutons de ce garçon pour provoquer un court-circuit et entraîner sa colère. On est plus enclin à faire des erreurs, lorsque la colère nous prenait aux tripes, et Rashel n'attendait qu'une chose de sa part : qu'il commette cette erreur pour qu'elle s'arrange ensuite afin de l'éjecter de son échiquier personnel. Contre qui se battait-elle au juste ? Personne et tout le monde. Tout ceux qui n'était pas elle était des ennemis potentiels. A partir de cette réflexion qu'elle gardait néanmoins personnelle, il était aisé de deviner que les remparts psychologiques érigées par la jeune fille étaient autrement plus solides et inviolables que la quasi majorité des personnes dans cette pièce. Il fallait être fou ou complètement stupide pour penser en venir à bout si facilement.

Se désintéressant enfin de ce groupe pitoyable, une personne trouva enfin grâce à ses yeux. Oui, il avait décidé de venir plus tôt. Et oui, il était malheureusement en mauvaise compagnie de Jenkins. Mais ça, Rashel s'en doutait et, sa bouteille à la main, Nath dans l'autre et Eden à ses côtés, elle pouvait le supporter plus d'un quart d'heure. La bulgare jeta un coup d'oeil entendu à son partenaire : il connaissait parfaitement son attachement profond pour le Colère, même si elle avait eu vents dans les couloirs d'une certaine forme de rivalité entre eux, toutefois superficielle. Aussi, après "l'approbation" de Nathaniel, qu'elle n'avait pas nécessairement réclamé non plus, elle s'était dirigée avec lui vers les deux étudiants. Si son regard fixe n'avait pas vacillé ni même perdu de sa superbe, un sourire fleurissait sur ses lèvres et grandissait à chaque pas la rapprochant de son ami, allant même jusqu'à ignorer les pairs d'yeux qui venaient scanner sa robe. Lorsqu'elle fut arrivée à la hauteur de l'étudiant en art, son visage était on ne peut plus serein et souriant. Presque naturel. Elle remarqua la présence d'Arwen, une première année en Tristesse, non loin de là, qui semblait littéralement fuir les deux Colères. Tiens, le petit monstre difforme s'était décidé à sortir de sa tanière alors ? Elle aurait du y rester pourtant, ça aurait éviter encore des nuisances. Toutefois, ignorant superbement sa petite victime et la présence d'Elyon, elle brandit sa bouteille de Rakija avec fierté et la colla dans les mains d'Eden. Elle avait alors lâché quelques instants le bras de Nathaniel, planquant comme pour lui un baiser sur la joue de son meilleur ami. Oui, ils s'étaient vu il y a trois heures au discours d'Elder, mais il n'empêche qu'être sympa de temps en temps, du moins avec les bonnes personnes, ça pouvait être bien. Et autant que ça soit Eden qui profite de cette affection accentuée par l'alcool plutôt qu'un looser chez les Peurs ou les Tristesses, parce qu'elle n'avait rien de mieux à se mettre sous le coude. Enfin, la soirée allait pouvoir commencer. 

- Toi, tu commences pas ce bal sans avoir goûté cette merveille, intima-t-elle en riant un peu malgré son air faussement grave et sérieux.

Boire jusqu'à en oublier son prénom semblait une bonne tactique de replis à tester, et sûr qu'elle sera validée dans l'heure qui suivra. Andy, déjà repartie dans ses douces rêveries lointaines, maintenant son statut de jeune fille dans les nuages avec brio, fut ramenée brusquement sur Terre par le bruit d'une bouteille qu'on débouchonne. Son sourire offrit une variante plus chaleureuse, qui rappelait la candeur délicate et chaude des rayons du soleil, et elle plaça son livre, qu'elle n'avait pas quitté, sous son bras droit. Enyo semblait étrangement ailleurs. Elle se détourna pour remplir des verres qu'elle trouva sur le buffet et Andy n'eut pas le temps de décrypter les écritures inscrites sur la bouteille.

Enyo lui tendit son verre, tendit son verre à Aiden, leva le sien. Andy, sa bonne humeur atteignant les plafonds, énonça de sa voix claire et directe un toast en Russe qui se traduisait approximativement par "La Figure ne vaincra pas !". Une façon discrète de leur envoyer dans la gueule de la manière la plus directe qu'elle connaissait son penchant révolutionnaire. Comme tout le monde le savait, l'Union de Russie, telle qu'elle s'appelait à cette époque, offrait les signes des plus grands mouvements révolutionnaires du monde. Les rebelles de l'Est s'appuyaient sur la philosophie anarchiste du début du siècle et étaient, nous pouvons le dire, beaucoup plus directs que la Nouvelle Angleterre. Le gouvernement aussi, malheureusement. Ceux-ci avaient rouvert les Goulags, fermés officiellement depuis 2076, et y enfermaient puis assassinaient à tour de bras toutes les personnes problématiques que la police rencontrait. Il existait là-bas des systèmes de listes rouges (rappel amer des temps communistes désormais détestés de la Russie, état devenu entièrement socialiste, sur l'ancien modèle des Etats-Unis, leur vieil ennemi, surtout pour se protéger des bombes nucléaires) où tout citoyen ayant approuvé d'une manière complexe et limitée le gouvernement en place pouvait donner le nom d'un supposé révolutionnaire, cette preuve strictement personne ayant lieu de preuve tangible et universelle. Tel était le système de l'Est, que le gouvernement de Nouvelle Angleterre semblait regarder d'un oeil intéressé. Andy gardait le regard fixé sur les nouvelles qui passent incognito dans les médias, traquant ces nouvelles mesures de "sécurité".

Avant de boire le verre que venait de lui donner Enyo, Andy le porta à son nez et tenta d'identifier la saveur de l'alcool. Certainement du Rhum, mais elle pouvait se tromper. Dans le doute, elle descendit l'intégralité de son verre d'une gorgée et posa à nouveau un oeil précis, un regard détaché mais qu'elle ressentait comme chirurgical sur ses potentiels nouveaux amis. Enyo, du moins l'avoua-t-elle, avait perdu. Andy sourit gentiment et, le verre en plastique toujours entre les dents, masquant une partie de son visage, offrit un signe de tête respectueux à Aiden. Pour être sûr qu'il la comprenne, elle récupéra le verre dans sa main et, à voix très basse, certaine que personne ne l'entendrait, adopta une fausse voix ressemblant de manière troublante à celle de Elder.

- Je te laisse le champs libre : tu connais mieux ses faiblesses que moi ; ainsi, tu la feras d'avantage souffrir...

Elle se redressa et adressa un clin d'oeil complice à Enyo avant de jeter un oeil au fond de son verre vide.

Juste l’odeur de l’alcool fort suffisait à étirer un sourire aux lèvres d’Aiden, oui, ce n’était pas grand chose, mais à l’échelle du jeune homme, il fallait se satisfaire des petits plaisirs de la vie. Enyo remplit son verre et il se dépêcha presque de le récupérer, presque ?

Parce qu’un « petit » détail l’interrompu dans sa course, bien que petit soit un euphémisme face à ce problème là. Ce problème là ( comme beaucoup d’autre concernant la vie universitaire du jeune homme ) portait le nom de Rachel Angelov, et sa simple présence dans cet environnement restrain pourrait suffir à le faire vriller ; cela restait qu’une possibilité parmi d’autres tant que la jeune fille ne dépassait pas un périmètre restreint. Un seul coup d’œil vers elle avait finit de convaincre Aiden de s’éclater la tête ce soir ; et son air prétentieux, hautain avait tiré une grimace de dégoût au jeune homme. Il n’appréciait ni ses goûts vestimentaires douteux, ni son allure de basic girl, ni son personnage, si on pouvait associer personnalité et Rashel dans la même phrase bien sûr. Mais la question demeurait la même : était-ce possible de détester autant quelqu’un que Aiden maudissait la jeune fille ? Sa capacité à détester ce qui l’entourait lui permettait d’haïr ce crétin de Nathaniel qui accompagnait la bulgare, l’ombre même de sa présence lui fait enfiler son premier shot : le brun se resservit aussitôt un deuxième verre, il fallait faire passer la pilule. Ce couple de Joie représentait à lui seul tout ce qu’il haïssait dans cette société branlante : et plutôt que d’en vomir et d’aller leur cracher la répulsion qu’il éprouvait envers eux, le Peur allait sûrement abuser ce soir, encore.

Il s’était déjà demander comment calmer les ardeurs face à sa haine, c’était le genre de question qui tabassait son crâne pendant des heures, des heures insoutenables. Le jeune homme voulait agir, tout renverser, tout détruire : ériger un bûcher funéraire où le monde brûlerait avec lui. Il se sentait piéger dans sa position de rebelle, il se demandait parfois, souvent, si rejoindre la rébellion était un bon choix de vie : l’étudiant se sentait tirailler entre son impuissance direct et sa position de choix ( si bien sûr on pouvait l’appeler comme ça, il était persuadé que ses liens avec Enyo ne lui rapporterait rien au sein des rebelles ). Voir se balader tranquillement ces Joies, en particulier Rashel et Nathaniel, le plaçait au pied du mur ; sa haine le rongeait et il avait peur que celle-ci ne prenne le dessus sur toute autre émotion.

Et puis tout retombait d’un seul coup.

Tout s’épuisait et s’envolait : il voyait ses sentiment, ses convictions s’envoler par la fenêtre de sa chambre pour laisser place à la putride culpabilité, celle qui le poursuivait dans l’ombre depuis l’arrestation de son père, était-il vraiment innocent dans cette histoire ? Aiden était persuadé du contraire.

Alors comme tout les jeunes abrutis comme lui, il se soûlait, se mettait hors du temps et de la réalité entre deux cours, deux livres, deux heures. Quand rien ne sert à rien.

- Enyo, remplis mon verre dès qu’il est vide, okay ?

Il l’avait regardé dans les yeux et avait vidé son deuxième shot. Il ne flancha même pas, ou alors il cacha cette grimace qui aurait pu abîmer son visage si neutre mais le jeune homme avait adressé un faible sourire à Andy, cela aurait été dommage de gâcher la soirée à cause de son impassibilité.

La jeune Joie n'avait aucune idée de ce qui se tramait dans le jeu de regard entre une Enyo inquiète et Aiden, au bord de l'apoplexie, car elle avait les yeux collés intensément au fond de son verre, se demandant si elle le remplissait à nouveau ou attendait un peu. Comme le précisera plus tard Enyo dans son excès de colère, l'idée était de faire attention à sa consommation d'alcool en public, surtout lorsque l'on avait des choses - ou des idées - à cacher. Finalement, elle décida qu'elle connaissait trop peu la Peur pour se resservir dans sa bouteille sans demander d'abord l'autorisation, et en levant les yeux elle tomba sur un combat silencieux un peu dérangeant. Qu'avait bien pu voir Aiden qui le mette dans un tel état ? Andy se retourna. Venait de rentrer dans la salle de bal sa colocataire et un type inconnu au bataillon. Si elle connaissait plutôt bien Rashel, habitant avec elle depuis quelques temps, elles entretenaient une relation distante et formelle. Pas de bataille par rapport à la vaisselle ni au ménage mais un planning mûrement réfléchi, chacune à sa place, chacune dans sa chambre, chacune de son côté du canapé. C'était une relation qui n'avait rien de conflictuelle, mais Andy était très loin d'appeler Rashel son amie. En vérité, elle n'appelait personne son "ami" ; elle n'avait jamais vraiment su construire des amitiés. Le type inconnu, quand à lui, lui renvoyait une image intéressante. Soigné sur lui, l'air terriblement sûr de lui, il brillait presque autant que Rashel. Andy décida de le garder dans un coin de son esprit si un jour elle le recroisait.

Elle fut sortie de son observation par Enyo qui lui volait son verre - vide, tant pis - et son livre - plus ennuyeux, déjà - pour l'entraîner, elle et Aiden, au beau milieu de la piste de danse. S'ensuivit une tirade enflammée de la part de la Peur, sous le yeux vaguement surpris de la Joie et ceux, durs et troublés, d'Aiden. Cela dura un temps non négligeable, à la fin duquel Enyo parut terriblement embarrassée et en bégaya quelques excuses. Et puis, l'instant d'après, elle était de nouveau survoltée et l'entraînait à danser. Andy était quelqu'un d'une trompeuse apparence de stabilité émotionnelle : elle ne montrait jamais une humeur au-dessus de l'autre au cours de la même conversation et restait égale à elle-même. Du moins pensait-elle. Son frère n'arrêtait pas de lui asséner que ce n'était pas le cas, Andy n'était pas prête à entendre les théories de Philip. Elle, variait sur du long terme, à coup de plusieurs mois. 

Peu rassurée à l'idée que son livre était perdu tout seul au milieu des bouteilles d'alcool ouvertes à proximité de coudes dansants et mouvants, Andy se força à penser à autre chose et se mit à danser. En soi, elle n'avait aucune connaissance en danse et vivait simplement la musique avec son cerveau formaté pour la musique classique. Si son frère était plus ouvert, elle était une puriste du classique et avait du mal à apprécier la musique du siècle. Néanmoins, elle dansa, car après tout, ce son avait une mélodie et un rythme, et parfois ça suffisait. 

Elle jeta un oeil aux deux autres. Enyo donnait sa vie sur la piste de danse. Qu'en était-il d'Aiden ? Andy glissa un regard vers lui.

Aiden n'était pas prêt pour ce genre de discours, qui l'était de toute façon ?

Il n’aimait pas ça, ce genre de remontage de bretelles, puisqu’il savait qu’une partie de lui le ferait culpabiliser, à vrai dire personne n’aurait apprécier être à sa place, ou à celle d’Enyo. Aiden n’appréciait pas ces semblants de leçon : dans un sens, la jeune fille n’avait pas tord et c’est ce qui lui déplaisait le plus, être mis face à sa propre réalité ; bien sûr il avait conscience de ne pas être la personne la plus agréable et la plus positive, il le savait et il s’en voulait de ne pas être ce genre de personne quand il était avec ses amis, quand il était sensé s’amuser. Il ne s’était pas attendu à ce que Enyo lui déverse tout ça, il ne comprenait pas sa sur-réaction, qu’est-ce qui était différent ce soir là pour mériter ces mots ?

- Je.. Enyo..

Il soupira, il n’avait même pas eu le temps de dire quoi que ce soit : la jeune fille se confondait déjà en des excuses tremblantes. Si il croyait en un dieu, Aiden aurait déjà juré sur sa tête pour se comporter pareillement, le jeune homme se sentait terriblement mal, cette vague se déferlait sur lui et comment ne pas culpabiliser ? Il aurait voulu être autrement, au moins pour Enyo, pour lui éviter de dire ce genre de chose. Aiden savait bien que ça lui passerait au dessus, il ne prendrait pas cela à cœur, mais il craignait que cela ne soit pas le cas de la jeune fille. Il avait envie de s’excuser et de lui rappeler qu’elle ne devait pas s’en vouloir : si ses mots étaient sorti tout seul, c’est qu’ils devaient être exprimés.

Et puis Enyo sembla s’être adoucie en l’espace de quelques secondes.

Aiden n’en même pas son mot à dire : la jeune femme entraîna Andy et lui sur la piste de danse, au milieu de tout ses étudiants insouciants. Il se sentait mal à l’aise dans cette foule : non seulement parce qu’il n’arriverait pas à s’intégrer à ce monde mais aussi parce qu’il se sentait à part une nouvelle fois, toute cette musique ( il avait du mal à appeler ça de la musique ) et toute cette joie de vivre -ou dêtre en vie- le rendait presque malade. Et surtout, il voyait que Enyo s’amusait beaucoup avec Andy, il se sentait de trop. Il n’essaya même pas, être la cinquième roue du carrosse, il connaissait ; il jeta un coup d’œil vers les deux jeunes femmes, elles dansaient, il décida de s’éclipser pour revenir au bar où la bouteille d’Enyo trainait encore, il but directement sans se servir de verre ; il chercha Eden du regard et n’eu pas de mal à le retrouver, il cru reconnaître Elyon Jenkins avec lui, au moins une personne avec qui il n’avait pas d’histoire ; puis il observa ce maudit duo les rejoindre sous le détestable sourire de Rashel, il pourrait en vomir. Et puis une idée traversa son esprit quand il remarqua une bouteille d’alcool dans les mains d’Eden. Le brun bu encore et se dirigea vers le petit groupe, bien décidé.

Il s’approcha d’Eden et poussa un peu des épaules pour s’incruster dans leur cercle restreint.

- Eden ! Ça fait longtemps !

Il avait coupé la conversation sectaire qu’ils avaient pour intervenir comme un cheveux dans une soupe ( sûrement une des chose qu’il savait le mieux faire ) ; Aiden sentait le regard des autres peser sur lui, et encore plus celui de la bulgare qu’il sentait brûler dans son dos tandis qu’il prenait des mains la bouteille : du « Rajika », il ne connaissait pas ce nom et il en avait rien à foutre. Il se servit une gorgée et grimaça.

- Tu vas décaper les toilettes avec ce truc ? Je croyais que t’avais meilleur goût que ça.

Et il tendit la bouteille à Eden.